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LES DECOUVERTES DE L'APRES REGIME

« Avec ce que je sais maintenant, je ne peux pas être fier de cette victoire. Mais je ne réalisais pas ; comme la plupart d'entre nous. On jouait juste au foot. » Cette phrase, signée Leopoldo Luque quadruple buteur pour l'Argentine, résume à merveille la situation. Tout comme une grande partie de la population, les joueurs étaient maintenus dans un état d'ignorance frôlant le ridicule.

 

 

Pendant que plus de 70 000 personnes fêtaient la victoire de l'Argentine en finale aux yeux du monde entier, des dizaines d'Argentins étaient séquestrés et torturés dans l'anonymat le plus total. Entre ces deux univers aux antipodes, une effrayante proximité : les 2,5 km séparant le stade Monumental de l'école mécanique de l'armée. L'Argentine se trouvait alors dans un tragique paradoxe. Tous les regards du monde étaient braqués dessus, sans que l'on observe réellement ce qu'il s'y passait. Ne dit-on pas que pour masquer la réalité il faut la mettre en évidence ?

 

Les exactions avaient démarré plusieurs années auparavant avec ce qui a été baptisé « l'opération Condor ». Les dictatures d'Amérique latine avaient passé un accord : celui de faire travailler conjointement leur services secrets pour lutter contre les guérillas et assassiner les opposants les plus téméraires. C'est d'ailleurs dans le cadre de cette opération qu'aurait été passé un accord entre l'Argentine et le Pérou concernant la rencontre la plus troublante de la compétition (voir section "Le match de la discorde"). Entre sport et terreur, la frontière s'est faite mince en Argentine.

 

Et pour ne pas voir les opposants politiques du régime inculquer leurs valeurs aux générations à venir, le régime avait orchestré l’enlèvement systématique de leurs enfants. C'est ainsi qu'environ 500 bébés ont été volés, rebaptisés et confiés à des familles proches du régime. À ce jour, 107 d'entre eux auraient été identifiés. C'est aussi cela la dictature argentine, arracher dès le plus jeune âge "les mauvaises herbes". Détruire et reconstruire à son image...

Depuis 1977, les mères des disparus, ces "desaparecidos", se retrouvent sur la place de mai à Buenos Aires chaque semaine. Une tradition qui se perpétue, comme pour montrer que si la dictature est loin derrière elle, la douleur est, elle, toujours bien présente. On dénombrerait entre dix et trente mille disparus en Argentine sur la période de la dictature militaire (1976-1983). Une plaie encore ouverte dans le cœur de chaque Argentin. Tous ont dans leur entourage un ou plusieurs proches disparus, violentés ou torturés à cette époque (voir le témoignage de Patricia H. dans la section "Contexte").

Finalement la dictature militaire prendra fin en 1983, bien affaiblie par la guerre des Malouines et la démocratie reprendra ses droits dans ce pays meurtri par la violence et la répression. Le général Videla est condamné à la prison a perpétuité en 1985. Il est assigné à résidence de 1998 à 2008, année qui vit son retour en prison. En 2012, il avait admis l’exécution de "sept à huit mille personnes" dans le cadre de la "guerre contre la subversion gauchiste" sans jamais émettre le moindre regret. Froid comme la mort, sec comme un coup de trique, il meurt le 17 mai 2013 en prison.

© 2014 par Hugo Lane, Matthieu Mendolia & Guillaume Rathier. Propulsé par Wix.com
 

Pour aller plus loin :

Ouvrages

 

  • "Moi Victoria, enfant volée de la dictature Argentine." De Victoria Donda, 2010, Robert laffont.

 

  • "C'est comment ?, Un souvenir la dictature en Argentine : 1976-1983De Hugo Paradero, 2012, Rue de l'échiquier.

Films

  

  • Buenos Aires 1977     

Réalisé par Adrián Caetano, avec Rodrigo De la Serna et Pablo Echarri, 2007.

 

  • Disparitions       

Réalisé par Christopher Hampton, avec Antonio Banderas et Emma Thompson, 2005.

 

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